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[L'Usine nouvelle] Comment les entreprises du luxe répondent à la pression du climat


 

Avec Benoît Gajdos, Senior Partner, Co-fondateur de Co

L'Usine Nouvelle, 8 novembre 2019

 

La présentation de la collection masculine printemps-été 2020 de la styliste Stella McCartney à Milan en juin dernier a été l’occasion de manifestations en faveur d’une consommation plus responsable.


L'annonce a surpris tout le monde dans le secteur du luxe. Quelques mois après avoir racheté la participation du groupe Kering dans sa marque, la designer britannique Stella McCartney, connue pour ses positions en faveur des droits des animaux et la défense de l’environnement, a conclu un accord avec LVMH, le grand rival de Kering. Loin d’être anecdotique, ce rapprochement illustre l’importance prise par l’écologie dans la stratégie du numéro un mondial du luxe.


Fin septembre 2019, la créatrice estampillée mode durable a d’ailleurs été intronisée conseillère spéciale en matière de développement durable auprès de Bernard Arnault, PDG de LVMH, lors du Future life show, événement au cours duquel le PDG du groupe et son fils Antoine exposaient leur nouvelle feuille de route environnementale. Traçabilité des matières animales, certification des cuirs utilisés, réduction des émissions carbone, les annonces de LVMH couvrent un large spectre d’actions. "Nous y sommes très attachés, car nous sommes, parmi les grandes entreprises mondiales, sans doute la plus proche de la nature avec nos vignobles et nos ateliers", se justifie Bernard Arnault. Reste que c’est surtout au titre de ses activités textiles que le champion français est attendu au tournant.


Le secteur de la mode est le deuxième plus polluant au monde derrière l’industrie pétrochimique. Selon les données de la fondation Ellen MacArthur, l’habillement représente 6 % des émissions de CO2 mondiales et consomme 215 gigamètres cubes d’eau par an. La production de coton est responsable de 22,5 % des pesticides utilisés dans le monde alors que la teinture et le traitement des textiles sont, eux, à l’origine d’environ 17 à 20 % de la pollution de l’eau d’origine industrielle. Des chiffres qui pèsent sur le prestige du luxe.


La génération Z, très soucieuse d’éthique


Selon le classement Brand’gagement 2017, réalisé par le cabinet de conseil en stratégie Kea & Partners, Dior, Chanel, Cartier ou encore Hermès arrivent au bas du classement des entreprises engagées, loin derrière des marques telles que Danone, Google et Nestlé. "Le luxe souffre d’un péché originel : il est exclusif. Ce modèle qui profite à un très petit nombre semble opposé par essence au bien commun, explique Benoît Gajdos, associé chez Kea & Partners. Le secteur apparaît aussi comme gourmand en ressources rares." Un appétit que les consommateurs de luxe sont de plus en plus nombreux à remettre en question.


Une étude du cabinet de conseil BCG publiée en avril dernier montre que plus de 60 % d’entre eux préfèrent une maison soucieuse de sa RSE, soit dix points de plus qu’en 2013. Ils sont, par ailleurs, 56 % à se renseigner sur la démarche responsabilité sociale et environnementale (RSE) des marques avant l’achat. "Cela est particulièrement vrai pour les jeunes générations", explique Olivier Abtan, directeur associé au BCG et responsable de l’expertise luxe au niveau mondial. En haut du tableau des priorités de la génération Z se trouvent les questions environnementales, la thématique du bien-être animal et les problématiques éthiques.


Alors que 80 % de la croissance du luxe au cours des prochaines années sera tirée par les jeunes, les marques n’ont plus d’autre choix que de se positionner sur le sujet. "Dans ce secteur, on estime que 80 % de la valeur est constituée par la marque contre 20 % dans les autres industries. Il y a donc un fort risque réputationnel à être perçu comme un pollueur", rappelle Olivier Abtan. Face à cet enjeu économique, les acteurs du secteur multiplient les annonces. Quelques semaines avant l’événement organisé par LVMH, Kering, Hermès, Chanel et 29 autres entreprises du textile ont signé le Fashion pact. Le texte, initié par François-Henri Pinault, le PDG de Kering, vise à mobiliser le secteur pour améliorer son empreinte sur l’environnement. "La mode a fait en trois mois ce qu’une réglementation aurait mis dix ans à accomplir", observe Bertrand Badré, le fondateur du fonds d’investissement Blue like an orange sustainable capital.


Le luxe de demain devra changer de modèle


Reste à savoir comment cela se traduira sur les modes de production. "Les acteurs du luxe doivent concilier deux exigences : celle de la création et de l’innovation – sans lesquelles rien n’est possible dans ce secteur – et celle de la préservation de l’environnement naturel, culturel et social", observe Benoît Gajdos.


C’est justement pour résoudre cette équation que Richemont, le groupe de luxe suisse, a lancé en 2018 la marque Baume. Sorte de laboratoire pour le troisième acteur mondial du secteur, Baume fabrique des montres sans aucune matière animale ni pierre précieuse, entièrement à partir de produits recyclés, en limitant la logistique au maximum pour réduire l’empreinte carbone et éviter la destruction de stocks.


"Le luxe de demain passera par un changement complet de modèle", confie Antoine Puissant, le porte-parole de la marque en France. Ces innovations pourraient inspirer les autres horlogers du groupe comme Cartier et Van Cleef & Arpels mais aussi les marques plus grand public. De même, les engagements de LVMH ou de Kering ne resteront pas sans influencer les géants de la fast fashion. "Le luxe est un secteur qui a un effet d’entraînement sur le reste de l’économie", observait Bernard Arnault lors du show.


Clear fashion, le Yuka de la mode



Lancé à la fin septembre 2019, Clear fashion aime à se décrire comme " le Yuka de la mode". Comme la fameuse application de l’agroalimentaire, Clear fashion vise à permettre aux consommateurs de décrypter les étiquettes des articles textiles en scannant leurs codes-barres. L’accent est mis sur les pratiques environnementales et sociales des marques et aussi de leurs produits. Quatre grands critères sont évalués : les conséquences sur la santé, le bien-être animal, l’humain et l’environnement.


"Nous nous fondons sur les informations publiques et notons chaque critère sur 100, ce qui nous permet de classer les références selon leur impact environnemental et social", explique Rym Trabelsi, l’une des fondatrices de la plateforme. À l’heure actuelle, 80 marques sont déjà référencées parmi lesquelles La Redoute, Louis Vuitton ou Zara. Elle espère que ce nombre augmentera rapidement, notamment pour y inclure tous les géants de la fast fashion.


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